mardi, avril 23

Beijing favorise le régionalisme

A l’heure des conflits territoriaux entre la Chine et ses voisins asiatiques (Japon, Inde, Philippines, Vietnam, Taïwan, entre autre), la question de la création d’une communauté asiatique régionale risque de passer à nouveau à la trappe.  Depuis les années 1990, certains dirigeants asiatiques mettaient en avant l’éventualité de créer une communauté asiatique, afin de favoriser les échanges économiques et commerciaux entre les différents pays d’Asie centrale et du sud-est.

ASIE carte Un moyen pour certains d’entre eux de profiter de la croissance économique de la Chine, de l’Inde ou encore du Japon, puissance économique mondiale. Cependant, au-delà des avantages économiques, les dirigeants asiatiques souhaitaient surtout limiter l’influence des États-Unis dans la région.

Accords d’échanges signés en aval

Au lendemain de la crise économique et financière asiatique de 1997, les pays asiatiques, déçus par les prises de position des États-Unis et du Fond Monétaire International (FMI), ont envisagé la création d’un fonds monétaire asiatique.  (Consulter la note du FMI sur le sujet)

Conscients de leur dépendance vis-à-vis des américains, ils ont également évoqué la mise en place d’une zone yen ou d’une monnaie commune et, éventuellement, la création d’une zone de libre-échange extrême-orientale autour de la mer de Chine orientale (entre la Chine, la Corée du sud et le Japon).

Une partie de ces alternatives au modèle occidental a vu le jour, avec la signature et la mise en place des fameux « Accords internationaux de Chiang Mai », qui entrent dans le cadre de l’Initiative de Chiang Mai. Ainsi, en dépit de l’opposition des États Unis, des accords financiers ont été signés en mai 2000, en Thaïlande, entre les dix pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) et la Chine, la Corée du sud et le Japon (devenu Asean+3).

Ils scellent la coopération financière et la création d’une institution de concertation économique régionale pouvant fournir des liquidités sous forme de crédits aux pays financièrement en difficulté. En 2003, les dix membres de l’Asean ont créé l’une des régions les plus dynamiques du monde. Ces derniers ont présenté un projet de communauté économique de l’Asean (CEA) destiné à faire naître un marché unique d’ici à 2015.

Au final, une communauté freinée

En décembre 2008, la ratification complète de la charte de l’association a permis d’établir un cadre institutionnel visant à une intégration régionale de déroulant de facto, depuis les années 1980. Cet objectif est énoncé dans le projet et dans la charte, mais il est particulièrement difficile à atteindre en raison d’un contexte morose. En effet, les disparités économiques entre les différents états et les tensions diplomatiques entre certains d’entre eux freinent cette intégration régionale.

Cependant en 2009, l’idée refait surface, avec la création d’une communauté régionale asiatique permettant des économies d’échelle et une réduction des coûts de transaction, rendant ainsi la région plus compétitive (Kensuke Tanaka, Intégration régionale en Asie du Sud-Est : le renforcement de la coopération macroéconomique permet d’atténuer les risques. OCDE n°90. Février 2009).

Cette coopération devra toutefois passer par une gestion des risques, garantissant la poursuite de l’intégration. Cette volonté de gérer les risques découle de la crise économique et financière internationale de 2008 qui a fait comprendre aux états asiatiques que les risques, liés à la volatilité des marchés financiers et à leurs effets perturbateurs sur les marchés intérieurs, devaient être anticipés.

Cette anticipation passe par l’amélioration de la coopération macroéconomique entre les pays de l’Asie du Sud-Est ainsi qu’un effort conjoint de mise à disposition de liquidités, permettant d’éviter une extension de la crise à toute la région. La communauté asiatique envisage « le renforcement de l’interdépendance des pays de la région (ce qui, ndlr) facilite la coopération macroéconomique », à travers une hausse des investissements directs étrangers (IDE) dans la région.

Mais pour permettre la création de cette communauté régionale asiatique plusieurs éléments sont essentiels : le partage de l’information, la compatibilité des mesures incitatives et la cohérence de la coopération macroéconomique avec les autres cadres politiques des différents pays d’Asie, a expliqué l’auteur de la note de l’OCDE, Kensuke Tanaka.

Beijing a les cartes en main

En dépit des tensions diplomatiques entre le Japon et la Chine, Tokyo fait partie des pays les plus actifs à la mise en place d’une communauté asiatique. Un moyen pour le pays de sortir du giron américain, mais surtout parce que les autorités japonaises ont conscience de la montée en puissance de la Chine.

Devenue la seconde puissance économique mondiale, à la place du Japon, Tokyo tente de convaincre Beijing de créer une zone de libre-échange entre les états d’Asie orientale et sud-est. D’autant plus que l’interdépendance économique entre ces pays s’accroît.

Du point de vue commercial, la création de cette communauté asiatique ne dessert par la Chine, qui peut ainsi rompre avec la théorie de Jiang Zemin (1) et continuer à développer son principe de développement pacifique, dans le cadre du « concept taoguang yanghui » rapporté par Elizabeth Frenkiel.

Celui-ci est la manière dont la Chine a de faire profil bas et d’être accepté par la communauté internationale, à la fois dans les institutions et dans les prises de décisions publiques. D’autant plus que Beijing tente de faire oublier son système politique pour mettre en avant son développement économique, à l’échelle régionale et internationale.

Ce « soft power » ou « soft balancing » se traduit par une politique pacifique, coopérative, tolérante, confiante et responsable. Son objectif est de se détacher de son interdépendance avec les Etats-Unis d’autant que les échanges commerciaux sont loin d’être certains. Raison pour laquelle, Beijing recherche des alternatives près de chez elle. Le multilatéralisme régional offre également à la Chine une occasion de diversifier ses exportations et de réduire sa dépendance avec l’Union européenne.

D’ailleurs, au lendemain des mouvements démocratiques de Tian An Men de 1989, la Chine avait réorienté sa politique étrangère vers l’Asie orientale, devenue une alternative plus solide, faute d’échanges commerciaux et économiques avec l’Occident. En créant ce régionalisme, Beijing souhaite calmer les inquiétudes de ses voisins, permettre un développement économique partagé et intensifier la coopération.

Mettre en avant une autre image de la Chine

En effet, l’Empire du milieu tente depuis quelques années de ne plus apparaître comme une menace mais comme un partenaire de confiance, en maintenant un régionalisme ouvert et inclusif. Le monde multipolaire voulu par la Chine permettrait de contrebalancer le poids des États-Unis en Asie et dans le monde.

Cependant, les récents affrontements entre chinois et japonais pourraient remettre en causes ses perspectives. Bien que les deux pays conservent leurs échanges commerciaux et économiques, la diplomatie des deux pays reste tout de même complexe et tendue.

D’autant que les querelles territoriales entre Pékin et Tokyo sont montées d’un cran, ces derniers mois, autour de l’archipel Diaoyu/Senkaku et les tensions historiques avec entre autre la non reconnaissance des crimes de guerre commis par le Japon pendant la Seconde Guerre Mondial.

Les sujets de tension persistent et peuvent peser dans le débat de la création d’une communauté asiatique. De plus, les conflits entre Pékin et certains états asiatiques comme les Philippines vont devoir s’apaiser, afin d’entretenir des objectifs et principes communs.

En dépit des nombreux appels des économistes et observateurs occidentaux à la création d’un G2 (Chine-USA), Beijing s’est toujours opposée à cette idée, préférant la « théorie du monde multipolaire », voulue par Jiang Zemin.  Le « Groupe des deux » est une appellation médiatique, née dans les années 2000, pour définir la relation entre les États-Unis et la Chine. Ce concept bipolaire s’est développé dans les médias, après la crise économique et financière suite à la faillite de Lehman Brothers a fait chuté les États-Unis.

Dès lors, journalistes et analystes spécialistes de la relation sino-américaine ont tenté de faire pencher la balance vers un échange unilatérale entre Beijing et Washington, d’autant que la Chine est l’un des principaux bailleurs de fonds des américains.

Voulant freiner la coopération régionale en Asie, et particulièrement l’alliance de plusieurs superpuissances asiatiques continentale, Washington a tenté de se rapprocher de la Chine et de l’isoler de ses voisins. Une tactique permettant aux américains de conserver leur avantage et leurs encrages au Japon, en Corée du Sud, et aux Philippines,

Des inquiétudes qui trouvent leur origine dans la crainte d’une éventuelle mise en place d’une communauté de superpuissance asiatique continentale, susceptible d’être dominée par la Chine, lui permettant ainsi de peser dans toute l’Asie orientale. Mais surtout, une Chine qui serait capable de ravir aux États-Unis, à terme, son leadership mondial. Ces craintes ont poussé les américains a créé en 1993, le Forum de coopération Asie-Pacifique (APEC), qui pourrait devenir inutile, si la Chine parvient à unir les pays asiatiques.

Céline Tabou

(1) Il s’agit de gouverner le pays à l’aide de la moralité et de la théorie de la triple représentativité : représentativité des demandes pour le développement de la force productrice avancée de Chine, représentativité de l’orientation de la culture avancée de Chine et représentativité des intérêts fondamentaux du plus grand nombre du peuple travailleur de Chine.

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