jeudi, mars 14

Entre enjeux sportifs et géopolitiques : la participation de la Chine aux JO

De notre stagiaire Florian Roddier – Alors que la Chine s’apprête à accueillir les XXIVe Jeux olympiques d’hiver du 4 au 20 février 2022, les exploits olympiques de ce pays en matière de préparation et de performance ne sont plus à attendre.

Nouveau siège du Comité olympique à Lausanne

Avec déjà 66 médailles, dont 31 en or, aux actuels Jeux Olympiques de Tokyo, la Chine conçoit, comme toute grande puissance mondiale, ces Jeux comme un moyen d’affirmer aux yeux de tous, la puissance de son système sportif.

Néanmoins, le succès rencontré par la délégation chinoise est relativement récent, et concomitant d’une montée en puissance du «soft power» à la chinoise. Empreint d’enjeux économiques et culturels, notamment lors de la tenue des Jeux de la XXIXe Olympiade de l’ère moderne à Pékin en 2008, les jeux olympiques nous ont prouvé à travers l’histoire leur dimension politique et géopolitique, la Chine n’échappant pas à la règle.

La participation ou non de la délégation chinoise aux Jeux Olympiques (JO) a pendant longtemps été motivé par des enjeux politiques. La position du gouvernement chinois à l’égard de ces Jeux a, à travers l’histoire, été contradictoire.

Deux phases majeures sont importantes à retenir à ce propos : l’avant et l’après 1949. Près de quarante ans avant la proclamation de la République populaire de Chine (RPC) par Mao Zedong, les Jeux Olympiques furent pour la première fois mentionnés à travers le pays, avec la création du Comité olympique chinois en 1910.

Cependant, malgré l’envoi d’une délégation en 1931 aux Jeux Olympiques de Los Angeles, à ceux de Berlin en 1936 ou à ceux de Londres en 1948, l’objectif affiché par le gouvernement était d’assurer une représentation à l’échelle internationale plutôt que de poursuivre un objectif sportif à proprement parlé.

Cette position officielle, à la fois contraint par un environnement politico-social en Chine tourmenté et par l’absence de réelle préparation sportive, va évoluer au lendemain de la proclamation de la RPC.

L’objectif n’était plus uniquement d’adopter une posture de représentation, mais bien de faire rayonner, dans un contexte de guerre froide, le modèle socialiste et communiste chinois.

Cette nouvelle posture fut affichée aux Jeux Olympiques d’Helsinki en 1952, mais aussi aux Jeux d’hiver de 1980 à Lake Placid, puis aux Jeux de Los Angeles en 1984 où la délégation chinoise remporta 15 médailles d’or, 8 d’argent et 9 de bronze, se classant quatrième au tableau des médailles.

Par la suite, les JO de Séoul en 1988 ainsi que les JO de Barcelone en 1992 ont confirmé cette nouvelle dynamique, avant que les JO d’Atlanta en 1996 soit le début d’une montée en puissance progressive de la République populaire de Chine.

Successivement quatrième au tableau des médailles, puis troisième et deuxième aux JO d’Atlanta en 1996, aux Jo de Sydney en 2000 et aux JO d’Athènes en 2004, la Chine s’installait durablement dans le haut du tableau, convertissant par la même occasion les volontés politiques chinoises en succès sportifs.

L’organisation des Jeux Olympiques à Pékin en 2008 sont eux venus conforter la politique menée par le gouvernement chinois depuis 1952, qui se basait sur un désir de rayonnement et de puissance à l’échelle internationale.

Il est d’ailleurs intéressant de souligner, que la préparation finale des jeux fut confiée au nouveau membre du comité permanent du bureau politique du Comité central du PCC nommé à l’issue du XVIIe Congrès, Xi Jinping. A cette occasion, Xi Jinping déclara en février 2008 que ces Jeux étaient «une grande mission politique».

Comme Valérie Niquet-Cabestan le soulignait en 2008, dans son article intitulé La Chine face aux défis des Jeux Olympiques, «au cœur d’une campagne permanente de mobilisation, au travers notamment du mouvement des volontaires, les JO sont l’occasion de mettre en avant un nouvel ‘homme nouveau’, le haut degré de développement ‘spirituel atteint par la Chine, l’esprit public, le civisme, les marques d’une civilisation éclairée et ouverte, telles la politesse et la maîtrise de l’anglais, alors que le Parti appelle à lutter contre le manque d’harmonie».

Cette participation fut par ailleurs motivée par des enjeux géopolitiques notamment depuis les JO d’Helsinki. En effet, alors qu’à la veille de la proclamation de la République populaire de Chine, les JO s’imposaient comme le moyen de concurrencer le Japon à l’échelle internationale (JO de Los Angeles en 1932) ; au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong, la Chine a souhaité imposer ses vues en matière de politique extérieure et intérieure, notamment vis à vis de Taïwan.

En 1952, l’envoi d’une délégation chinoise était primordial, car pour la première fois l’URSS participait elle aussi à la compétition, mais cette présence chinoise a aussi provoqué le retrait de la délégation taïwanaise à cette compétition.

En 1954, le Comité International Olympique (CIO) est la première organisation internationale à reconnaître la Chine, mais il souhaite poursuivre une politique de cohabitation entre la Chine communiste et la Chine nationale. Cette politique sera un échec aux jeux de Melbourne en 1956, la RPC boycottant à son tour ces jeux.

En réalité, cette opposition sur la scène olympique n’est que le reflet de la situation géopolitique internationale. Sur l’échiquier politique mondiale, les pays s’opposent sur la question de la reconnaissance de Taïwan ou de la République populaire de Chine, et les JO n’en est qu’un terrain de jeux. La Chine a en effet coupé les ponts avec le CIO en 1958, suite à la reconnaissance de Taïwan comme partie distincte de la République populaire de Chine.

Mascotte JO2022

A l’inverse, le CIO annonce en 1959 qu’il retire le comité taïwanais de la liste de ses membres, celle-ci devant désormais adopter le nom de Formose malgré les critiques américaines notamment aux jeux de Rome de 1960. En 1966 le CIO acceptera que Taïwan soit dénommée «République de Chine» au sein du mouvement olympique.

Le CIO ne sait donc pas quelle position adopter sur la question, et cette incertitude se fera d’autant plus sentir lors des jeux de Montréal en 1976. Le Canada reconnaît en effet sur le plan diplomatique la Chine populaire depuis 1970 alors que le C.I.O reconnaît uniquement celle de Taipei. Finalement c’est l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en Chine qui favorisera un statut quo entre Formose et la Chine, statut quo encore d’actualité, la Chine réintégrant officiellement en 1979 le CIO.

Comme le soulignait Xu Guoqi, en 2008, dans son article intitulé ‘La représentation nationale de la Chine et la question des deux Chine dans le mouvement olympique’, «il y a une différence majeure entre le conflit initial qui dura des années 1950 aux années 1980, et celui qui sévit aujourd’hui».

Entre les années 1950 et les années 1980, les deux parties admettaient qu’il n’y avait qu’une seule Chine, la question était de savoir qui la représenterait dans le monde et par voie de conséquence dans le milieu olympique. Aujourd’hui, la Chine souhaite un retour de Taïwan dans le giron de la mère Patrie, afin de parachever «le rêve chinois de grand renouveau de la nation».

A ce titre, le principe politique ‘un pays, deux systèmes’ fut traduit dans les compétitions olympiques dès le début du XXIème siècle, Taïwan et Hong Kong pouvant participer aux JO mais en tant que partie intégrante de la République Populaire de Chine, du moins officiellement.

D’un point de vue économique enfin, la tenue des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin, du 8 au 28 août, a été l’occasion de redynamiser le pays, notamment la capitale chinoise, en garantissant pendant deux semaines un rayonnement régional et international à la RPC.

Remporter des succès internationaux aux Jeux Olympiques est essentiel pour la Chine, mais accueillir ces jeux l’était d’autant plus. Cette organisation a en effet eu des retombées économiques pour l’ensemble du pays, et a permis une revalorisation de la capitale, tout en poursuivant des objectifs de politique intérieure d’édification intégrale d’une «société harmonieuse».

Cette volonté d’organisation des Jeux Olympiques était depuis 1993, et la première candidature chinoise, un objectif politique, afin d’ancrer définitivement dans les esprits les efforts de réforme et d’ouverture initiés par Deng Xiaoping. De plus, à l’échelle nationale, l’objectif poursuivi était d’illustrer la stratégie de «réunification nationale» voulue par le gouvernement central, en mettant de côté les divisions internes ainsi que les inégalités entre les régions et les habitants du pays.

A Pékin, l’organisation des JO a été l’occasion d’accélérer un processus de rénovation urbaine. De celle-ci a découlé une réorganisation des quartiers de la ville, la création de nouvelles voies de circulation (plusieurs lignes de métro furent inaugurées), la restauration d’immeubles.

Un nouveau terminal fut ajouté à l’aéroport international de Pékin, et une nouvelle ligne à grande vitesse entre Pékin et Tianjin fut inauguré. Cependant, de nombreuses critiques venant de l’extérieur et de l’intérieur de la Chine firent leur apparition, mais le gouvernement chinois souhaitait à tout prix montrait qu’il était possible, pour un pays au modèle politique en décalage avec l’Occident, d’assurer la tenue des Jeux Olympiques.

Les jeux de Londres en 2012 et ceux de Rio de Janeiro en 2016 ont permis de confirmer la dynamique sportive de la délégation chinoise, initiée il y a une vingtaine d’années. En se classant deuxième et troisième au tableau des médailles, la Chine ne se contente plus d’affirmer sa position géopolitique et politique par le biais des JO à l’échelle internationale, mais bien de prouver l’efficacité de son système sportif dans les grandes compétitions mondiales.

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