mardi, avril 23

« Le monde appartient à la Chine, nous ne faisons qu’y vivre »

Pour Rana Foroohar et Melinda Liu, « l’empire du milieu réécrit les règles qui gouvernent le commerce, la technologie, la monnaie, le climat – et tout ce qui s’ensuit ». 

En 2010, les deux journalistes affirmaient que « la Chine était considérée comme la force hostile du nord, là où les communistes complotaient pour exporter leur révolution dans le reste de l’Asie ».

Désormais les problèmes économiques et financiers des pays asiatiques « ne sont plus réglés par des visites » de présidents américains, mais « au cours de sommets où l’on ne retrouve que la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les pays d’Asie du Sud-Est ».

Ainsi, « la Chine a joué un rôle fondamental dans ce déplacement du centre d’attention régional du couple Asie-Pacifique — principalement les États-Unis et le Japon — vers la zone Asie de l’Est, qui compte la Chine en son milieu« , a indiqué Martin Jacques, auteur de When China rules the World, à Newsweek.

Newsweek Une CHINA November 8 2010
Newsweek – November 2010

Six ans plus tard, l’analyse s’est confortée, malgré les tensions en mer de Chine méridionale avec Washington et certains alliés asiatiques (Philippines, Brunei, Vietnam, …) ; le dilemme européen sur l’acier et l’octroie du statut d’économie de marché à la Chine ; et les tensions avec le Japon.

Un nouvel ordre mondial : Made in Beijing

Les deux journalistes de Newsweek expliquent que Beijing « ambitionne de rédiger — du moins d’aider à rédiger — les nouvelles règles qui régissent le monde ». Pour Cheng Li, directeur d’étude du John L. Thornton, China Center de la Brookings Institution, « la Chine veut aujourd’hui s’asseoir en tête de table. Ses dirigeants veulent faire partie des grands architectes des institutions internationales ».

Auparavant, la Chine devait s’accommoder des décisions internationales prises dans les grandes institutions internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale. Aujourd’hui, Beijing possède un poids plus grand sur la scène internationale économique et diplomatique. Ce sont d’ailleurs les raisons pour lesquelles, le pays intensifie sa politique régionale et met en place des dispositifs rivalisant avec les instances internationales : BAII, Communauté économique de l’ASEAN, l’OCS, …

D’un côté, les américains se plaignent du poids croissant de la Chine et de son influence. De l’autre, ils veulent que le pays s’implique plus dans la gestion des affaires du monde. Cependant, « on demande à la Chine de rejoindre un système qu’elle n’a pas aidé à mettre en place — et qu’elle estime conçu pour favoriser les intérêts de l’occident », expliquent les journalistes.

Des avancées considérables

Beijing est parvenue en moins d’une décennie d’inscrire le yuan dans le panier des devises internationales, d’ailleurs, la monnaie chinoise est déjà utilisé dans les échanges commerciaux avec l’Inde, le Pakistan, la Russie, la Corée et de nombreux pays africains.

En parallèle, Beijing « contribue aux mutations du Web« , assurent Rana Foroohar et Melinda Liu. Le conflit de la Chine avec Google a montré que le pays « refusait dorénavant d’obéir aux règles locales en matière de censure après que les réseaux de l’entreprise eurent été attaqués à partir d’ordinateurs chinois ».

D’autant que « ses capacités technologiques s’améliorent très vite, et entrevoit la possibilité de surclasser l’occident dans certains domaines ». « Le sentiment a toujours prévalu en Chine et dans un certain nombre de pays en voie de développement que l’Ouest est « the place to be » — sauf qu’aujourd’hui, ce n’est soudain plus le cas », a affirmé Ruchir Sharma, directeur des marchés émergents chez Morgan Stanley Investment Management.

D’ailleurs, les scientifiques et les chercheurs chinois reviennent massivement au pays, pour y mener leurs recherches dans des laboratoires abondamment financés par le gouvernement, comme Robin Li, fondateur de Baidu.

Une Chine qui ne plie plus

YuanLe pays voudrait « dépasser le reste du monde : être certain d’avoir son mot à dire lorsque seront établies les règles et standards du futur », ont-elles expliqué.

D’autant plus que « les technologies de pointe lui offrent plus d’opportunité de progression économique que les secteurs traditionnels, et c’est pourquoi la Chine, principal pollueur de la planète, est également devenue le plus fervent partisan des technologies vertes au niveau étatique ».

Dans les années 1990/2000, la Chine faisait tout son possible pour attirer les investisseurs étrangers, désormais, ce sont les entreprises d’état dans le secteur privé qui sont consolidés, via des fonds gouvernementaux. De plus, la législation s’est durcie sur les fusions rendant ainsi plus difficile l’acquisition d’entreprises chinoises par des firmes étrangères. Beijing assure également le contrôle du marché du capital-risque.

De toute évidence, « la Chine travaille encore sur son identité : pays riche, pays pauvre, grande puissance destinée à donner le ton sur les grands sujets, ou pays en voie de développement qui ne doit chercher que son auto-préservation? »

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