mardi, avril 23

Taïwan : vive réaction des éditeurs après les poursuites de la Chine contre un confrère

La Chine a confirmé le 26 avril que Li Yanhe, directeur de la maison d’édition Gusa, fait l’objet d’une enquête pour «des soupçons d’activités mettant en danger la sécurité nationale».

Une semaine avant, des militants et des journalistes à Taïwan avaient sonné l’alarme après la disparition de Li Yanhe, parti voir sa famille à Shanghai au cours du mois de mars.

Zhu Fenglian, porte-parole du Bureau des affaires taïwanaises de la Chine, affirme que «les droits et les intérêts légitimes de Li Yanhe» seront garantis. Toutefois, l’arrestation sur le territoire chinois fait d’ores et déjà l’objet de nombreuses dénonciations.

Né en Chine, Li Yanhe est parti vivre à Taiwan en 2009, l’année de création de Gusa Press, mais il conserve des attaches familiales sur le continent. De nombreux éditeurs, habitant Taïwan, ont fait part le 12 mai de leurs craintes de voyager en Chine continentale et à Hong Kong, après l’annonce de l’arrestation de Li Yanhe.

Li Yanhe, une voix discordante

Connu sous le pseudonyme de Fucha, Li Yanhe était très actif à la radio et comme éditeur au sein de la maison d’édition Gusa Press. Li Yanhe avait une vision sceptique voir critique, vis-à-vis des autorités chinoises. D’ailleurs, la majorités des ouvrages de Gusa Press sont interdits de distribution en Chine continentale.

La tension reste forte entre la Chine continentale et Taiwan, et la situation s’est d’ailleurs envenimée depuis le passage en août 2022, de la président de la Chambre des représentants américains à Taipei. Depuis, l’armée chinois organise des opérations militaires dans la région.

A l’annonce de son arrestation, plusieurs ONG internationales ont appelé à la libération urgente de Li Yanhe. L’Union internationale des éditeurs a qualifié son arrestation d’«inquiétante», soulignant qu’elle découle d’ouvrages publiés à Taiwan et non disponibles sur le territoire chinois.

RSF s’est dit scandalisée d’apprendre la détention de Li Yanhe, « qui est l’un des derniers éditeurs chinois à encore oser publier des ouvrages d’investigation critiques à l’égard du régime. Nous appelons Pékin à communiquer des informations précises sur son lieu de détention et à assurer dans les plus brefs délais son retour auprès de sa famille à Taïwan », a déclaré Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de Reporters sans frontières.

«La détention de l’éditeur et animateur radio Li Yanhe démontre une nouvelle fois l’intolérance flagrante de la Chine à l’égard d’une presse libre», a indiqué Iris Hsu, qui représente la section chinoise du Comité pour la protection des journalistes. D’après ce dernier, au moins 43 journalistes sont derrière les barreaux, en Chine, en raison de leurs activités, au 1er décembre 2022.

Ni le Club des correspondants étrangers de Taiwan ni les proches de Li Yanhe n’ont pas pu lui rendre visite, ni son avocat. Les communications sont strictement restreintes avec le détenu.

Le monde de l’édition de plus en plus inquiet

Un ancien collègue de Li Yanhe, Joshua Wang, a expliqué le 12 mai que l’arrestation de Li Yanhe avait suscité une très grande inquiétude dans le secteur de l’édition à Taïwan, lors d’une conférence de presse organisée par Reporters sans frontières (RSF).

«Cela ne concerne pas seulement le secteur de l’édition; les personnes qui ont écrit quelque chose de critique (vis-à-vis de la Chine) sur Facebook ont peur également», a-t-il précisé.

Depuis la disparition de Li Yanhe, les milieux journalistique, culturel et littéraire de Taiwan ont décidé de «ne jamais se rendre en Chine ou à Hongkong à l’avenir», a-t-il assuré, avant d’ajouter : «Ne passez même pas en transit par Hong Kong».

Avis partagé par le propriétaire d’une librairie indépendante, Chang Cheng, qui a indiqué que «mes amis aussi disent : ‘ne va pas à Hong Kong. Si tu y vas, tu ne pourras peut-être pas rentrer’».

Cédric Alviani, responsable du bureau Asie du Sud-Est de RSF, a appelé à «la libération immédiate de Li» Yanhe et a dénoncé «la croisade à grande échelle contre le journalisme et la liberté de l’information» que mènent selon lui les autorités chinoises.

Gusa Press publie des livres d’histoire et de critique politique sur le parti communiste chinois, y compris sur les accusations concernant la répression des Ouïghours au Xinjiang ou la propagande internationale de Pékin.

La Chine estime que Taïwan est l’une de ses provinces qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. La Chine dit espérer une «réunification» pacifique mais ne pas exclure l’emploi de la force en cas de rupture du statu quo à son désavantage.

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