samedi, mars 23

Des femmes du Myanmar vendues en Chine

Heather Barr, chercheuse senior auprès de la division Droits des femmes, au sein de l’ONG Human Rights Watch, a expliqué pourquoi des femmes du Myanmar sont vendues en tant qu’«épouses» en Chine.

Cette dernière a expliqué que « dans le nord du Myanmar, des femmes et des filles sont victimes d’une traite transfrontalière et vendues comme ‘épouses’ à des familles en Chine, où l’une des conséquences de la ‘politique de l’enfant unique’ est la difficulté pour de nombreux hommes à trouver une compagne ».

Heather Barr, codirectrice par intérim de la division Droits des femmes et auteure d’un rapport sur le sujet, a décrit dans un entretien avec Nazish Dholakia que les hommes kachins participent au conflit opposant le gouvernement du Myanmar et l’Armée de l’indépendance du Kachin.

Les femmes restent seules pour subvenir aux besoins de leur famille, les aînées doivent en priorité soutenir financièrement leurs proches. Raison pour laquelle, « de nombreux employeurs en Chine sont prêts à embaucher des ressortissants du Myanmar, et cette situation crée une opportunité de premier plan pour les trafiquants ».

L’étude de Heather Barr se base sur le témoignages de 37 femmes et filles interrogées, qui ont accepté un emploi réel ou fictif dans une ferme. « Mais les personnes qui les ont recrutées se sont avérées être des trafiquants qui les ont vendues à des familles chinoises », a indiqué cette dernière.

Les familles chinoises sont poussées à «acheter» des femmes en provenance du Myanmar, car « il existe une disparité démographique considérable entre les hommes et les femmes en Chine », due à la politique de l’enfant unique, instaurée de 1979 à 2015.

Dans de nombreuses communautés, les fils restent chez ses parents pour les soutenir, tandis que les filles vivent avec leur mari et leurs beaux-parents, ce qui incite les parents à faire en sorte que l’enfant unique soit un fils.

Aujourd’hui, il y a en Chine 30 à 40 millions d’hommes en plus que de femmes. «Les hommes ont tellement de mal à se marier, ce qui créée une demande pour des épouses victimes de la traite», a indiqué la chercheuse.

Les trafiquants sont généralement des proches : un ami, un membre de la famille… « Les prix variaient entre 3 000 et 13 000 dollars », qui va aux trafiquants. Heather Barr a raconté l’histoire d’une jeune femme dont la belle-sœur lui a dit qu’elle lui trouverait un emploi bien rémunéré en Chine :

La jeune femme ne voulait pas s’y rendre, mais sa famille avait besoin de cet argent. Dans la voiture en route pour la Chine, sa belle-sœur lui a donné des médicaments pour, lui a-t-elle dit, prévenir les vomissements pendant le trajet. Elle s’est réveillé les mains liées et sa belle-sœur lui a dit plus tard qu’il fallait qu’elle se marie et l’a laissée à son acquéreur. La famille l’a emmenée dans une pièce où elle a de nouveau été ligotée. Chaque fois que son « mari » lui apportait ses repas, il la violait. Elle a finalement eu un fils. Deux ans plus tard, elle s’est échappée avec celui-ci. La partie la plus inhabituelle de son histoire est qu’elle a pu s’échapper sans avoir à abandonner son enfant.

La plupart des femmes et des filles interviewées ont été enfermées dans une pièce pendant des jours, des semaines voire des mois, parfois jusqu’à ce qu’elles tombent enceintes. Certaines ont expliqué aux chercheurs que « beaucoup ont confié que les familles semblaient plus intéressées par la perspective d’avoir un bébé qu’une épouse ».

Aucune donnée réelle ont été fournie sur le nombre de femmes et de filles faisant l’objet d’un trafic en Chine. La Commission des droits de l’homme du Myanmar a toutefois indiqué aux chercheurs qu’elle avait reçu des informations relatives à 226 cas en 2017 de la part des autorités de l’immigration.

Heather Barr a souligné que « le nombre réel est certainement beaucoup plus élevé. Il est également difficile de savoir si ce nombre est en hausse ou en baisse, mais plusieurs experts estiment que ce nombre aurait augmenté avec la poursuite du conflit dans l’état de Kachin ».

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