mercredi, mars 20

Conférence de Bandung, 60 ans après

Organisés en Indonésie, du 21 au 24 avril, le Sommet Asie-Afrique et la commémoration de Bandung de 1955 sont des occasions pour l’ensemble des pays partenaires d' »ouvrir un nouveau chapitre » dans la coopération Asie-Afrique, a annoncé le ministre des Affaires étrangères indonésien, Retno Marsudi lors de la cérémonie d’ouverture de la réunion ministérielle.

Conférence de Bandung 201533 chefs d’État et de gouvernement et les représentants de 77 pays ont confirmé leur participation au Sommet Asie-Afrique et à la commémoration de Bandung. L’Asie et l’Afrique sont conscients de leur rôle dans l’ordre mondial et engagent désormais un tournant destiné à les faire sortir de la prédominance occidentale.

Les deux continents sont devenus en quelques décennies très attractifs, raison pour laquelle asiatiques et africains ont décidé d’intensifier leur coopération à l’occasion de la célébration des 60 ans de la Conférence de Bandung (1955) à Jakarta, en Indonésie.

Des liens diplomatique mais surtout économique

Ce sommet et cette célébration sont des événements importants, dans un contexte géopolitique en mouvement, qui place l’Asie et l’Afrique au centre des enjeux de demain. En effet, le parallèle entre 1955 et 2015 est facile, tant certains éléments se concordent.

D’un côté, la volonté de s’autonomiser de la domination occidentale, faiblissant à cause de la crise économique. Et de l’autre, les pays émergents, principalement asiatiques et africains, continuent leur progression démographique et économique, laissant présager une remise en question globale de l’hégémonie américaine.

D’ailleurs, dès 1955, la conférence réunissait les pays dits du Tiers-Monde, désireux de sortir du joug du colonialisme et de l’impérialisme américain, par le codéveloppement entre les deux continents. 60 ans plus tard, certains des pays présents en 1955 à Bandung, comme la Chine et l’Inde, font partie du G20 et exercent un pouvoir économique de considérable et l’ensemble de ces pays représentent plus de la moitié de la production économique mondiale

A l’issue de la conférence de 1955, un communiqué commun avait été publié assurant que « face aux blocs capitaliste et communiste, les participants à la conférence de Bandoeng expriment leur opposition à toute forme de colonialisme« , à travers une « coopération économique, culturelle et politique la plus étroite ».

Cette coopération s’est développée au fur et à mesure des années à des rythmes divers, selon les difficultés de chacun, mais les liens historiques sont restés. C’est d’ailleurs ce qui explique le développement des échanges entre la Chine et l’Afrique depuis l’an 2000.

Zhou Enlai et Jawaharlal Nehru
Zhou Enlai et Jawaharlal Nehru

L’Empire du milieu est parvenu à prendre la place des anciens colons, grâce à la politique de non ingérence, mise en exergue dans la déclaration commune de Bandung.

De plus, les échanges économiques et commerciaux entre les deux continents ont certes faibli à certaines époques, sans pour autant disparaître. Les échanges ont d’ailleurs explosé depuis une vingtaine d’année, pour atteindre près de 22 % en valeur, alors qu’entre l’Europe et l’Afrique la progression était de 15 % seulement. D’ailleurs, le quart des exportations asiatiques est destiné à l’Afrique.

Enfin, les deux géants possèdent des taux de croissance parmi les plus rapides au monde : 4,9 % pour l’Asie en 2013/2014 et presque autant pour l’Afrique, 4,3 %.  Raison pour laquelle, le président chinois Xi Jinping, a appelé les dirigeants asiatiques et africains à « faire avancer l’esprit de Bandung et à travailler ensemble pour promouvoir l’établissement d’une communauté au destin commun pour l’humanité dans son ensemble », lors de son allocution, mercredi 22 avril.

Mettre en place un nouvel ordre mondial

Cette volonté de conserver « l’esprit de Bandung » a été saluée par de nombreux dirigeants, dont l’ambassadeur indonésien en Chine, Soegeng Rahardjo. Ce dernier a assuré à l’agence de presse Xinhua, qu’avec « la proposition du président chinois d’étendre davantage la coopération Sud-Sud, qui est très importante pour tous les pays d’Asie et d’Afrique, en particulier s’ils souhaitent renforcer leurs relations en matière de commerce, d’investissement et de tourisme ». « Cela bénéficiera à tous les habitants d’Asie et Afrique« , a ajouté ce dernier.

De son côté, l’ancien secrétaire aux affaires étrangères du Pakistan, Akram Zaki, a fait l’éloge de l’idée, ajoutant que « le principe de base de la coexistence pacifique consiste à ne pas s’immiscer dans les affaires internes des uns et des autres, et à reconnaître le droit de chaque pays de décider de leur propre destin et de coopérer sur un pied de respect mutuel, de confiance mutuelle et de bénéfice mutuel, qui constituent le socle le plus solide pour les relations entre les nations ».

En effet, chaque pays, souhaitant conserver son identité mais surtout sa souveraineté, voit en la proposition chinoise l’occasion de développer leur économie propre à travers des partenariats historiques, notamment ceux scellés lors de la conférence de 1955. A cette époque, les pays africains et asiatiques ont corrélé leurs efforts pour mettre en place un modèle économique qui leur est propre.

Après des années de difficultés internes à chaque pays, le sommet Asie-Afrique vise à engager un tournant politique et économique, via entre autres le chemin tracé par Pékin. La Chine a axé sa stratégie sur le renforcement économique régional (Russie, Inde, Japon, Corées, Pakistan, …) et vers les pays africains, via des investissements massifs.

L’objectif est de créer un système économique parallèle, ne dépendant plus des États-Unis, mais permettant à chaque pays de commercer sans contraintes financières et diplomatiques (Droit de l’Homme). Parmi les initiatives mises en place, la nouvelle Route de la soie, la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures (BAII), sont destinées à commercer durablement avec les pays membres, principalement africains et asiatiques.

Pour Akram Zaki, « la philosophie de la Chine d »une Ceinture et une Route’ est en train de forger une connectivité tant régionale que mondiale, et la Chine cherche à faire de cette connectivité une relation de coopération et de développement commun ».

D’autant plus que pour les dirigeants d’Asie et d’Afrique, il est nécessaire désormais de mettre en place un nouvel ordre mondial ouvert aux économies des pays émergents. « Il faut en finir avec les idées dépassées des institutions de Bretton Woods », ont-ils estimé à l’ouverture du sommet de Djakarta.

Alors qu’en 1955, les pays dénonçaient les conséquences de la colonisations, désormais ils appellent tous à ce que « le changement s’impose », a déclaré le président indonésien Joko Widodo. Pour son homologue zimbabwéen, Robert Mugabe, les pays d’Asie et d’Afrique « ne doivent plus être cantonnés dans le rôle d’exportateurs de produits de base et d’importateurs de produits finis ». Cela, « c’est un rôle qui nous a été historiquement assigné par les puissances coloniales, dès l’époque coloniale », a-t-il souligné.

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