samedi, mars 23

Des décennies de lutte anti-tabac

La Chine est le premier producteur et consommateur mondial de tabac. Un tiers des fumeurs de la planète, soit plus de 300 millions de personnes, sont chinois.  Le 9 octobre 2015, une étude publiée dans la revue médicale The Lancet prévoit le décès de 2 millions de chinois en 2030, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, si aucune mesure appliquée.

Cependant, comme l’a expliqué Caroline Puel de Libération, « le phénomène est difficile à éradiquer. Sésame pour établir une conversation, cadeau de remerciement pour les petites interventions de la vie quotidienne ou encore manière d’exprimer le rapport de force lors d’une négociation, la cigarette remplit un rôle social important, notamment à la campagne et dans les milieux ouvriers ».

1 million de morts liés au tabac en 2010

Depuis une vingtaine d’année, les autorités chinoises tentent de lutter contre le tabagisme. En 1997, Beijing accueille la 10ème Conférence internationale sur le tabac et la santé sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). A cette occasion, le gouvernement lance une campagne de propagande pour diminuer le nombre de fumeur.

En 2010, 1 million de morts liés au tabac sont recensés dans le pays. Un an plus tard, sous la pression de l’organisation, le gouvernement a adopté une loi interdisant de fumer dans les espaces publics, mais aucune campagne de sensibilisation n’avait été prévue et le texte est resté largement ignoré. En avril 2015, l’OMS et des organisations militantes pour le contrôle du tabac ont appelé les autorités à interdire la publicité pour le tabac.

Prenant appui sur la Convention-Cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac, ratifié par la Chine en 2003, Angela Pratt, directrice en Chine de l’Initiative pour un monde sans tabac de l’OMS, a estimé que « toute forme de publicité pour le tabac, sous quelque configuration que ce soit, y compris dans les points de vente, doit être interdite ».

Plusieurs mesures sont instaurées, en vain. Mais 2015 aura été une année anti-tabac. Le gouvernement a engagé plusieurs dispositifs, notamment juridique. D’autant plus que la mortalité du tabac a fortement augmenté en Chine entre 1990 et 2010 : actuellement environ 20% des décès parmi les hommes âgés de 40 à 79 ans s’expliquent par le tabac (contre 10% en 1990), selon l’étude de The Lancet.

Un mort toute les 30 secondes en 2015

Un centre sur le tabac de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a ouvert ses portes le 25 mai 2015 à l’Université de commerce et d’économie internationaux de Beijing (UIBE). Son but est devenir l’un des principaux groupes de réflexion sur la fiscalité du tabac et la lutte contre le tabac en Chine.

Interrogé par Le Quotidien du peuple, Shi Jianjun, président de l’UIBE, a expliqué que « grâce à ce centre, l’université va renforcer sa coopération avec l’OMS, les ministères concernés, et les universités et instituts chinois et étrangers dans la recherche de politiques économiques en matière de santé publique pour promouvoir le développement de la santé publique » en Chine.

Campagne anti-tabac à Beijing

Pour Wang Longde, président de l’Association chinoise de médecine préventive, « le centre peut inciter le gouvernement à s’appuyer davantage sur des moyens économiques pour intervenir dans la production et la consommation du tabac ». Cependant, un mois plus tard, les médias chinois annoncent que le tabac tue une personne toutes les 30 secondes. Le gouvernement est au pied du mur, il met rapidement en place une loi bannissant la cigarette dans les espaces publics clos de la capitale chinoise.

Selon la loi, les magasins ou restaurants coupables d’enfreindre la règle encourent une amende de 10.000 yuans (1.500 euros), tandis que les fumeurs pris en faute peuvent être verbalisés de 200 yuans (30 euros). Le tabac est également banni dans les enceintes scolaires, sportives mais aussi les hôpitaux. Les publicités des grands cigarettiers ont également été interdites.

Les autorités augmentent également la taxe sur le tabac, de 5% à 11%, une première en six ans. Rose Zheng, professeur d’études en finance et fiscalité pour Centre de collaboration sur le tabac et de l’économie de l’OMS à l’UIBE, a expliqué au Quotidien du peuple que « les taxes représentent actuellement environ 56% du prix total des cigarettes en Chine, contre 52% environ avant l’augmentation de la taxe d’accise ».

Pour Bernhard Schwartländer, représentant de l’OMS en Chine, « augmenter les taxes sur le tabac et les prix est probablement la mesure la plus efficace pour réduire la consommation de tabac, en particulier à court terme ».

Les jeunes, premières victimes

D’autant plus que « c’est particulièrement important pour les jeunes parce que nous avons eu la preuve que si les produits du tabac sont chers, ce sont les jeunes qui les utiliseront moins parce qu’ils n’en auront pas les moyens« . Bernhard Schwartländer est certain que « si les jeunes ne commencent pas à fumer, il est moins probable qu’ils commenceront à fumer quand ils seront plus âgés, donc la taxation du tabac est une sorte de vaccin qui empêche les jeunes de fumer ».

D’ailleurs, ce sont les jeunes les principales victimes du tabagisme. D’après l’étude publiée par The Lancet, « environ un jeune sur trois pourrait mourir d’une maladie liée au tabagisme comme le cancer et les maladies cardiovasculaires« . Actuellement, près des deux tiers des jeunes hommes fument et une majorité d’entre eux allume la première cigarette avant l’âge de 20 ans.

Le tabagisme passif est également un fléau considérable en Chine. Toutefois, il a diminué, malgré une augmentation de 15 millions de fumeurs au cours des derniers cinq ans, selon le rapport publié par le Centre chinois pour le Contrôle et la Prévention des maladies. Ainsi, comparé à 2010, le tabagisme passif a baissé de 34,6% à 17,2% dans les écoles primaires et secondaires.

Dans les bâtiments gouvernementaux, il est passé de 54,9% à 38,1% et a baissé dans les lieux de travail, la restauration, les transports en commun et les institutions médicales.

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