mercredi, mars 20

La Chine : le débouché en or des véhicules haut de gamme

De notre stagiaire Florian Roddier – En 2009, la Chine devenait le premier marché automobile mondial et le premier pays producteur de véhicules au monde, détrônant ainsi les États-Unis. Douze ans plus tard, la situation est la même, à peu de choses près, car la Chine s’est imposée comme le premier débouché mondial en matière de véhicules haut de gamme.

Ce résultat est le fruit de multiples facteurs, dans un monde de plus en plus globalisé. Certes nombre de concessionnaires chinois ont souhaité se positionner sur le marché (Geely, Hongqi, Zhongzheng, China ZhengTong, China Yongda…), concurrençant ainsi de grandes firmes américaines (Chrystler, Tesla, General Motors, Chebvrolet, …) .

Mais il est aussi le fruit d’une confiance européenne en matière de capacités de production des usines chinoises. Nombre de constructeurs européens, à l’image récemment de Citroën et son C5 X fabriqué à Shenzhen ou de PSA avec sa berline DS9 fabriquée à Chengdu, ont choisi de délocaliser leur production de véhicules haut de gamme en Chine.

Mais quelles sont les causes du développement fulgurant des véhicules haut de gamme ?

Voiture Tesla

Dans un premier temps, les causes sont commerciales, car il apparaît beaucoup plus avantageux d’importer des voitures venant de Chine en Europe que d’exporter en Chine des voitures fabriquées en Europe, malgré la présence de législations imposant à toute entreprise étrangère qui souhaite s’implanter en Chine de s’associer avec une entreprise locale.

De plus, il est plus facile d’acquérir pour une large part de la population chinoise un véhicule haut de gamme, grâce à l’apparition sur ce marché de véhicules d’entrée de gamme, plus abordables. A terme, l’évolution des politiques et des réglementations fiscales par le gouvernement chinois seront elles-aussi susceptibles de stimuler le marché.

La Chine envisage la possibilité d’autoriser les constructeurs automobiles internationaux à créer plus de deux coentreprises en Chine, afin que ceux-ci élargissent leur clientèle et leur maillage territorial.

Ensuite, les causes sont sociales, car le gouvernement chinois encourage depuis plusieurs décennies la réussite économique et sociale des chinois. Les ventes des véhicules haut de gamme sont un exemple de cette réussite sociale. Ainsi, en 2019, Volkswagen a vendu 3 163 200 véhicules en Chine continentale et à Hong Kong ; 690 083 pour Audi ; 723 680 pour le groupe BMW ; 693 443 pour Mercedes-Benz ; et 86 752 pour Porsche*.

Ces données montrent le facteur social des ventes de véhicule haut de gamme, car l’ouverture du marché chinois aux entreprises étrangères depuis quatre décennie a permit la réussite sociale d’un certain nombre de chinois. Cette réussite sociale se caractérise en Chine par la possession de biens, dont une voiture de luxe. Les chinois entendent afficher leur niveau de vie, dans un pays qui compte 992 milliardaires (Hong Kong compris), selon le classement annuel publié en 2021 par le cabinet Hurun.

De plus, les acheteurs de véhicules haut de gamme sont en moyenne plus jeunes en Chine que dans d’autre parties du monde, comme l’a souligne le rapport de Mordor Intelligence publié en 202, intitulé « Marché chinois des voitures de luxe – croissance, tendances, impact du COVID-19 et prévisions (2021-2026) ».

En outre, l’investissement consentit par les individus dans l’achat d’une voiture va être plus important qu’en Europe par exemple. En effet, cette dépense se retrouve dans l’ensemble des strates de la société chinoise, la proportion de dépenses des ménages en zone urbaine en matière de transport et communication a augmenté entre 1990 et 2018, passant de 1,20 % en 1990 à 8,54 % en 2000 pour atteindre 13,30 % en 2018.

Enfin, les causes du développement des véhicules haut de gamme sont technologiques, car la Chine ne s’impose pas uniquement comme le principal débouché en termes de véhicules haut de gamme, mais aussi comme un partenaire crucial pour les grands constructeurs mondiaux.

En effet, l’échange et la collaboration entre firmes chinoises et occidentales en matière de recherche et de développement sont des moteurs confortant la Chine dans sa position à l’international.

Les objectifs de fabrication de véhicules haut de gamme en Chine sont doubles : la fabrication est aussi bien destinée aux besoins du marché local, qu’à l’exportation dans le monde entier.

Cette dualité a d’ailleurs été mise en avant par Zhou Minhao, président du Conseil pour la promotion du commerce international de Shanghai, à la veille du 19ème salon international de l’industrie automobile de Shanghai qui s’est déroulé du 19 au 28 avril 2021.

Ce dernier a expliqué que «l’énorme potentiel du marché automobile chinois attire non seulement les entreprises automobiles étrangères pour augmenter continuellement leurs investissements, mais fournit également des conditions favorables aux marques automobiles chinoises pour promouvoir leurs nouveaux modèles sur la scène mondiale. »

Grâce à ces multiples facettes, le marché des véhicules haut de gamme en Chine se porte bien, la proportion de véhicules écoulées en Chine comparée au reste du monde pour les firmes allemandes atteignant 53,5 % pour Volkswagen, 43% pour Audi, 33,4 % pour le groupe BMW, 35,8% pour Mercedes-Benz et 32,7% pour Porsche*.

De plus, cette tendance n’est pas prête de s’atténuer, car le marché chinois des voitures de luxe devrait connaître un taux de croissance annuel composé à hauteur de 8% pour la période 2021-2026 et représenter 260 milliards de dollars en 2026 contre 160 milliards en 2020, selon le rapport de Mordor Intelligence, publié en 2021.

Cette position sur le marché de l’automobile est le résultat de politiques historiques.

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Progressivement, les différents plans quinquennaux depuis la réforme et l’ouverture initiée par Deng Xiaoping ont insufflé un nouvel élan à cette industrie, la production automobile chinoise étant passée de 2 220 000 véhicules produits par an en 1980 à 20 700 000 véhicules en 2000 pour atteindre 278 190 000 véhicules produits en 2018.

Cependant, comme le soulignait Grégoire Olivier dans la revue Grand Angle en mars 2011, le marché automobile chinois était largement dominé cette même-année par la vente de véhicules de moyenne gamme.

En 2012, les États-Unis demeuraient encore le premier marché mondial des voitures ayant une valeur comprise entre 25 000 et 150 000 euros, avec 1,7 millions de véhicules vendus contre 1,25 millions pour la Chine, mais les choses étaient sur le point de changer.

Elle était déjà devenue en 2012 le premier client du constructeur allemand haut de gamme Audi, avec plus de 400 000 voitures vendues en 2012 et 492 000 vendues en 2013, et la filiale Porsche avait quant à elle enregistrée une année record en 2013 avec 37 425 livraisons en Chine*.

En 2014, la Chine est devenue le marché national le plus important pour Volkswagen, Audi et BMW et le deuxième derrière les États-Unis, pour Mercedes-Benz et Porsche. En 2015, elle est devenue à son tour pour Mercedes-Benz et Porsche le marché national le plus important, position qui ne sera jamais remise en cause par la suite.

Parallèlement à cela, les constructeurs chinois essayaient eux aussi de se positionner sur ce marché, mais il faudra attendre 2020 pour que ces efforts soient récompensés avec le record de ventes de la marque chinoise Hongqi, record qui a vu le nombre de véhicules fabriqués et vendus par la firme chinoise dépasser les 200 000 unités (rapport de Mordor Intelligence de 2021).

Dès lors, le constat est sans appel, les marques étrangères, principalement occidentales sont omniprésentes sur ce marché chinois. Ce constat poussa le cabinet de conseil international Ernst and Young en décembre 2020 a affirmé que le marché chinois s’est une fois de plus révélé être le « principal pilier » de l’industrie automobile mondiale, et plus particulièrement des constructeurs automobiles allemands (Agence de presse Xinhua, décembre 2020). En 2021, malgré une pandémie qui a mis à mal l’économie locale et mondiale, ce marché n’aura que peu tremblé.

Néanmoins, du fait d’une prise de conscience plus globale des enjeux énergétiques et environnementaux, le marché de l’électrique semble peu à peu prendre le dessus en Chine. Les ventes de Tesla ont fait un bond de 121 % pendant l’épidémie de la COVID-19, et par l’intermédiaire de son usine implantée à Shanghai, la firme écoule désormais dans le pays, un quart de sa production annuelle en termes de véhicules électriques (Tesla a vendu environ 135 400 véhicules en 2020 selon le rapport de Mordor Intelligence de 2021). La Chine ambitionne de vendre environ 25% de véhicules électriques ou hybrides en 2025, grâce à l’émergence du principal concurrent chinois de Tesla, Xpeng.

En conséquence, il est possible de constater un changement de visage du marché des véhicules haut de gamme en Chine, d’autant plus qu’il lui reste encore de la marge. En 2012, pour 1000 habitants, 69 véhicules étaient en circulation en Chine, ce taux d’équipement étant passé à 133 pour 1000 habitants en 2018.

Ces chiffres sont nettement inférieurs à ceux que l’on peut retrouver en France ou en Europe par exemple, avec une moyenne de 500 véhicules pour 1000 habitants. Volkswagen (y compris Audi), Daimler AG (Mercedes-Benz) et BMW conservent leur monopole sur ce marché, malgré une concurrence de plus en plus exacerbée avec des marques comme Geely, Toyota Motors et Tesla.

Mais d’autres concurrents font eux-aussi leur apparition (Ferrari, Bentley, Jaguar Land Rover, Hongqi, Rolls-Royce Holding PLC, …), aspects qui nous laissent imaginer à long terme un avenir encore radieux pour la vente de véhicules haut de gamme en Chine.

*L’ensemble des données fournies par les concessionnaires sont consultables sur le site https://www.best-selling-cars.com/

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