lundi, mars 25

Liu Xiaobo, au cœur d’une polémique diplomatique

Washington souhaite une liberté de mouvement à Liu Xiaobo et Paris propose de l’accueillir. Toutes ces prises de position ont été vivement critiquées par Beijing, particulièrement les déclarations américaines, qui ont irrité le gouvernement chinois.

Liu Xiaobo est un défenseur des libertés, qui avait été condamné en 2009 à 11 ans de réclusion pour « subversion », puis mis en liberté conditionnelle après lui avoir diagnostiqué en mai un cancer du foie en phase terminale.

Emblème de la lutte pour la démocratie en Chine, l’écrivain avait été condamné après avoir co-rédigé un texte, la Charte 08, qui prônait le respect des droits de l’homme et des élections libres.

Une vaste mobilisation internationale avait été déclenchée pour demander la libération de Liu Xiaobo. Washington et l’Union européenne avait réclamé sa mise en liberté et celle de son épouse, Liu Xia. Cette dernière est assignée à résidence à son domicile depuis 2010, année où son mari avait reçu le prix Nobel de la paix.

Les Etats-Unis veulent une « liberté de mouvement » pour Liu Xiaobo

Terry Branstad, nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Chine

Les Etats-Unis ont appelé mardi la Chine à accorder au prix Nobel de la paix 2010 Liu Xiaobo la « liberté de mouvement » et l’accès aux médecins de son choix après la libération conditionnelle et l’hospitalisation du dissident.

L’ambassade américaine à Beijing a déclaré être en train de « recueillir davantage d’informations » sur la situation de Liu Xiaobo, notamment sur son état de santé, après sa sortie de prison et son transfert dans un hôpital du nord-est du pays.

« Nous appelons les autorités chinoises non seulement à libérer M. Liu, mais aussi à libérer sa femme, Mme Liu Xia, de la résidence surveillée dont elle fait l’objet », a indiqué à l’Agence France Presse, le porte-parole de l’ambassade américaine en Chine, Mary Beth Polley.

La Chine doit fournir au couple « la protection et la liberté — comme la liberté de mouvement et l’accès aux soins médicaux de son choix — auxquels ils ont droit en vertu de la constitution et du système juridique chinois et des obligations internationales », a assuré cette dernière.

Mary Beth Polley fait écho aux déclarations de Terry Branstad, nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Chine qui a espéré que l’écrivain puisse avoir la possibilité d’être soigné à l’étranger.

« Bien sûr, nos pensées vont vers lui et sa femme, et nous sommes disposés à faire ce qui peut l’être pour voir si cela est possible. En tant qu’Américains, nous souhaiterions qu’il ait la possibilité de bénéficier d’un traitement ailleurs si cela peut aider », a déclaré Terry Branstad lors d’une conférence de presse. « Il est important que nos deux pays coopèrent sur les questions liées aux droits de l’homme », a-t-il ajouté.

La France prêt à accueillir le dissident

Malgré cette libération, les soutiens et amis de Liu Xiaobo ont exprimé leurs inquiétudes sur son état de santé tout en réclamant sa mise en liberté « inconditionnelle » et son accès à des traitements médicaux à l’étranger.

Wang Dan est un des leaders étudiants les plus médiatiques lors des manifestations de la place Tian’anmen en 1989. Wang est diplômé d’un doctorat en histoire de l’université Harvard.

Le comité Nobel de la paix, tout en se disant « heureux » de voir Liu Xiaobo libéré, a ainsi « très profondément regretté qu’il ait fallu une maladie grave pour qu’il soit relâché ». Prévenant que « les autorités chinoises portent une lourde responsabilité si la privation de liberté a fait qu’il n’a pas reçu l’aide médicale nécessaire à temps ».

De son côté, Su Yutong, journaliste et militante chinoise exilée en Allemagne, a fait part de son sentiment, assurant qu’elle était « extrêmement choquée et attristée » du sort de son ami.

« On ignore s’il a été soumis en prison à des tortures ou à des traitements inhumains. Mais (…) il ne pouvait ni écrire, ni s’exprimer, ni exercer sa liberté de penser: ce qui, en tant qu’intellectuel, devait être la pire des tortures », a indiqué cette dernière aux médias.

La France a proposé mercredi 29 juin d’accueillir le prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo, et l’artiste Liu Xia, sa compagne. Quelques heures avant cette annonce, Wang Dan, ancien leader du mouvement étudiant qui occupait pacifiquement la célèbre place Tiananmen, a été interrogé par « L’Obs ».

Il a souhaité que « le gouvernement français sache que la France est spéciale aux yeux des Chinois, car c’est le pays des droits de l’homme, de la démocratie, de la liberté. La France doit donc faire entendre sa voix dans cette affaire. Je demande à rencontrer le président Macron et je lui lance un appel pour sauver Liu Xiaobo ».

Beijing se rebiffe contre les Etats-Unis 

Le gouvernement chinois a dénoncé mardi 27 juin l’appel « irresponsable » des Etats-Unis à accorder au prix Nobel de la paix Liu Xiaobo la « liberté de mouvement » et l’accès aux médecins de son choix.

Liu Xia, poète assignée à résidence à Beijing

L’administration pénitentiaire chinoise a indiqué qu’il était actuellement traité par une « équipe de huit oncologistes réputés » dans un hôpital de Shenyang. Des amis du couple ont confirmé à l’AFP que Liu Xia a été autorisée à le voir.

Le ministère chinois des affaires étrangères a fermement répondu au porte-parole de l’ambassade américaine en Chine, Mary Beth Polley : « Aucun pays n’a le droit de s’ingérer ou de tenir des propos irresponsables sur les affaires intérieures chinoises ».

Lu kang, porte-parole du ministère a indiqué que « la Chine est un pays régi par l’Etat de droit, où tout le monde est égal devant la loi. Tout pays devrait respecter la souveraineté judiciaire de la Chine, et ne pas se servir de cas individuels à des fins d’ingérence ».

Selon la fondation Dui Hua, ONG basée aux Etats-Unis, une personne bénéficiant d’une liberté conditionnelle pour raison de santé en Chine n’est pas « libre ou libérée » car elle reste « surveillée par les bureaux locaux de la sécurité publique ».

D’après la fondation, après six mois de soins, si son état de santé a évalué, il peut soit voir sa liberté conditionnelle prolongée, soit retourner en prison pour purger le reste de sa peine. Une pétition a été signée par des centaines d’avocats, de militants et d’amis de Liu Xiaobo demandant à Beijing de donner une « liberté totale » et à l’autoriser à choisir librement ses médecins.

Ils appellent également les autorités chinoises à « mener une enquête approfondie » sur les raisons de la détérioration de son état de santé. Wu’er Kaixi et Wang Dan, deux ex-leaders étudiants du mouvement pro-démocratie de la place Tiananmen en 1989, ont jugé que le gouvernement avait « sciemment condamné à mort » le dissident.

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