mardi, avril 23

Dr Diarra, le pionnier infatigable

Alhassane Diop s’est entretenu avec le Dr Diarra, qui a fait des études de Médecine Traditionnelle Chinoise en Chine et prépare son retour au Mali pour travailler dans le centre de formation « Centre Loban », qu’il a établi avec ses partenaires chinois à l’Université de Kalaban.

C’est la condition des pionniers d’être baroudeurs. Ils font du chemin, piétinent les embuches pour son débroussaillement, inhalent les odeurs des souffre-douleurs et baignent en permanence dans l’anxiété de l’arrivée.

Dr Boubacar Diarra a certainement dû puiser suffisamment de ressources dans le vivier culturel du Mandé pour rester en harmonie avec lui-même le long de sa trajectoire dont le hasard on ne peut plus curieux l’avait choisi pour l’emprunter.

Pont naturel entre deux continents que tout lie et délie à la fois, il est heureux de le voir emprunter le chemin du retour au bercail pour impulser la recherche en médecine traditionnelle africaine. Son pedigree professionnel – de haut lignage – suffit à vendre le label africain dans l’empire du Milieu.

Dans sa nouvelle carrière des honneurs, il aura certainement le sacerdoce d’assurer la transmission du flambeau à la jeune génération de médecins africains spécialistes de la médecine chinoise. Il semble en être bien conscient, oblitérant toutes formes de frontières entre deux univers dont il demeure l’isthme.

PRÉSENTEZ-VOUS SVP  

Je m’appelle Diarra Boubacar. De nationalité malienne, je suis arrivé en Chine après mon baccalauréat en 1984 pour des études en médecine. Je fis le choix de la médecine traditionnelle chinoise (MTC). J’ai fait mon cursus intégral jusqu’au post doctorat et suis actuellement professeur, en poste dans un hôpital de MTC. Je suis le premier étranger à obtenir un doctorat et un post doctorat en MTC. Cette légitimité m’a permis de pratiquer mon métier dans les hôpitaux du pays.

APRÈS VOTRE FORMATION, POURQUOI ÊTES-VOUS RESTE EN CHINE PLUTÔT QUE DE RETOURNER EN AFRIQUE TRAVAILLER ?

A la fin de mon master, j’avais fait une demande de bourse doctorale à mon gouvernement qui avait refusé. Il m’a d’ailleurs envoyé mon billet retour sur lequel mon nom était mal écrit. Je l’ai ainsi renvoyé au pays avec mon MCO pour changement de date. Curieusement, le billet n’est plus revenu. C’est ainsi que, par manque de moyens pour rentrer, je décidai de rester en Chine et de finir mon cursus.

Devenu non-boursier, j’ai été contraint par la suite de payer mes études à mes propres frais. Après cela, je n’avais toujours pas de billet pour rentrer étant entendu que j’étais devenu étudiant privé. En tant que premier étranger diplômé en médecine chinoise, un hôpital m’avait repéré et avait souhaité que je le rejoigne.

Actuellement, je prépare mon retour au Mali où, avec mes partenaires chinois, nous avons déjà établi un centre de formation qui s’appelle Centre Loban depuis décembre 2019 à l’Université de Kalaban. Je veux retourner pour former des gens et valoriser notre médecine traditionnelle africaine en utilisant les mêmes méthodes que celles que j’utilise en Chine.

COMMENT S’EST PASSÉE VOTRE INTÉGRATION DANS LA SOCIÉTÉ CHINOISE ?

Je me souviens que pendant longtemps, aucun patient ne voulait se présenter jusqu’au jour où une dame s’enfuit en me voyant. Je l’ai poursuivie pour l’interpeller et lui dire que je pouvais la soigner sans qu’elle ne me paye jusqu’à être satisfaite de mes services.

Au lendemain de la première séance, elle s’était sentie tellement bien qu’elle est revenue avec sa maman et sa sœur. C’est ainsi que les patients ont commencé à venir par le bouche à oreille. La clé, c’est d’être en paix et en harmonie avec tout le monde. Ainsi, les gens te connaitront et t’apprécieront.

ACTUELLEMENT, QUEL EST LE NIVEAU DE PÉNÉTRATION DE LA MÉDECINE CHINOISE EN AFRIQUE ?

Depuis la période des indépendances, la Chine a régulièrement envoyé des missions médicales sur le continent et dans celles-ci, il y avait toujours un ou deux acuponcteurs. C’est dire donc que cela fait plus de 60 ans que les africains connaissent cette technique médicinale.

Disons que l’acuponcture a déjà balisé le chemin. Il ne reste plus qu’à avoir une bonne logistique pour l’acheminement des produits. A côté de cela, il ne faut pas négliger les africains qui ont été formés en Chine et qui sont retournés après leur formation.

Cette ressource humaine, qui peinait à s’insérer correctement dans les structures de santé de nos états peuvent dorénavant se réjouir du fait que de plus en plus, les chinois construisent des hôpitaux de MTC et centres de formation en Afrique. Dans un futur proche, nos deux médecines pourront cheminer ensemble et faire bénéficier à nos 2 peuples de produits et médicaments.

EN TANT QUE MÉDECIN, QUEL EST VOTRE AVIS D’EXPERT DANS LA COURSE AUX VACCINS ?

Certes, il y a des vaccins, mais je suis plus convaincu par la MTC, dans sa dimension préventive. En termes de vaccins, j’ai plus foi au Sinopharm. Nous avons par ailleurs, en MTC, un produit pour guérir de la COVID-19. Nous l’utilisons depuis Mars 2020 à Wuhan. Avec un taux de guérison allant de 90 à 97% selon les zones, les résultats sont plus que satisfaisants. Dans deux à trois mois, nous aurons ce produit en Afrique.

VOUS AVEZ RÉCEMMENT REÇU UNE DISTINCTION. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS ?

En effet, pour la première fois, le Prix National de Philanthropie, délivré par le Premier Ministre Li Keqiang, a été remis à un étranger, qui plus est africain. Cela montre la qualité de nos relations mais aussi l’apport majeur des africains à la Chine. J’ai personnellement aidé à former plus de 5000 étudiants en MTC. Je me sens honoré d’avoir reçu une telle distinction.

RÉTROSPECTIVEMENT, COMMENT ANALYSEZ-VOUS L’ÉVOLUTION DES RELATIONS SINO-AFRICAINES DES INDÉPENDANCES A NOS JOURS ?

Au moment des indépendances africaines, seuls quelques pays du continent avaient osé établir des relations diplomatiques avec Pékin. Il est vrai que la donne a bien changé depuis lors. Cela suffit à montrer que la coopération est gagnant-gagnant. Nos dirigeants ont le devoir de rendre cette relation davantage pérenne en y créant de l’espoir pour les africains.

Par ailleurs, la Chine, dans sa percée internationale, doit continuer d’aider les africains dans des domaines vitaux comme l’agronomie, l’élevage, la santé… à la condition que nous sachions adapter son aide à nos réalités. Au-delà de la relation bilatérale, nous devons approfondir la coopération entre les peuples chinois et africain. Il faudrait que chaque peuple arrive à connaitre davantage l’autre. Je pense qu’il y a bon espoir avec la fédération que nous venons de créer. Elle permettra de mieux faire connaitre l’Afrique aux chinois.

QUELLES SONT VOS MISSIONS EN TANT QUE VICE-PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS D’AMITIÉ CHINE-AFRIQUE QUI VIENT D’ÊTRE PORTE SUR LES FONTS BAPTISMAUX ?

Mon rôle sera de faire ressortir les facettes de notre culture. En réalité, je le faisais déjà dans les amphithéâtres et autres cénacles ou j’ai l’opportunité d’une prise de parole directe. Les chinois ne connaissant pas la vraie Afrique, il y a souvent des mésententes qui font le bonheur des pourfendeurs de la Chine-Afrique. C’est donc à nous de sauvegarder cette amitié en promouvant notre culture africaine pour qu’elle soit davantage connue et respectée.

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