mardi, avril 23

La Chine étudie la pensée de Xi Jinping

Les plus hautes instances politiques de Chine ont décidé de créer une école pour étudier la pensée économique de Xi Jinping.

Quelques semaines plus tard, le Comité central du Parti Communiste Chinois (PCC) a décidé de fonder une école pour étudier la pensée économique de Xi Jinping. Ce centre d’études doit ouvrir ses portes à Beijing dès 2020.

Xi Jinping, secrétaire général du PCC et président de la République populaire de Chine

L’école sera chargée de proposer des réformes économiques « basées sur les préceptes économiques de Xi Jinping », précise le quotidien hongkongais South China Morning Post.

Xi Jinping devient ainsi le premier dirigeant de l’histoire du PCC dont les théories économiques seront analysées dans un institut prévu à cet effet. La fondation de ce « Centre de recherche sur la réflexion économique de Xi Jinping » viendra agrandir le réseau d’institutions consacrées à l’étude de la pensée du dirigeant chinois.

Des centres d’étude sur la pensée de Xi Jinping

Ce phénomène a débuté en 2020 avec la création du Centre de recherche sur la pensée de Xi Jinping sur la diplomatie. Il s’agit selon le Quotidien du Peuple de « l’esprit combattant » prôné par Xi Jinping dans la doctrine diplomatique, attestant que la Chine mène « une guerre diplomatique, juridique et d’opinion pour contrer les actes hégémoniques des États-Unis ».  

Sept nouveaux centres de recherche, approuvés par le Comité central du PCC, ont été créés pour l’étude, la recherche et la promotion approfondies de la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère.

Les sept nouveaux centres de recherche ont été fondés dans la Commission nationale du développement et de la réforme, le ministère de l’Écologie et de l’Environnement, et la Société chinoise de la Science juridique, ainsi que dans les provinces du Jiangsu, du Zhejiang, du Fujian et du Shandong.

Onze centres de recherche ou instituts à cette fin ont déjà été établis précédemment. L’objectif est de «stimuler la recherche sur la théorie innovante du PCC et aider à mieux armer le Parti avec la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère et à inspirer le peuple», selon le communiqué du gouvernement.

En juin 2021, l’Académie des sciences sociales de Chine (ASSC) a créé un institut de recherche sur la pensée de Xi Jinping sur le progrès écologique.

Le président Xi Jinping

«La pensée offre une compréhension profonde des principales questions théoriques et pratiques concernant l’avancement écologique de la Chine», avait expliqué Yang Kaizhong, directeur de cet institut de l’ASSC.

Ce dernier a expliqué que «l’amélioration de l’étude et de la mise en œuvre de la pensée de Xi Jinping aidera à répondre à la demande croissante de la population pour un environnement magnifique, ainsi qu’à atteindre un développement économique et social de meilleure qualité».

Selon lui, «la recherche et la mise en oeuvre de la pensée de Xi JInping contribueront à la transformation pour une société de l’humain plus verte». Le nouvel institut a pour l’objectif d’étudier la structure théorique derrière la pensée, explorer le développement historique des idées et promouvoir les échanges internationaux, a affirmé Zhang Yongsheng, directeur adjoint de l’institut.

Xi Jinping devient une discipline académique à part entière. Il s’agit d’ »une manière pour le président de consolider son emprise sur tous les aspects de la vie publique« , a affirmé Alfred Wu, politologue au Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour, interrogé par le South China Morning Post.

Tous ces centres sont « des outils de propagande afin d’expliquer aux gens ce qu’ils doivent penser », a expliqué Mary-Françoise Renard, spécialiste de l’économie chinoise à l’université Clermont Auvergne, contactée par France 24.

Selon elle, ces institutions sont l’expression de la volonté de Xi Jinping de réduire au maximum le risque de dissidence au sein du PCC, en l’unifiant derrière sa personne et sa pensée.

À cet égard, le centre d’études consacré à l’économie tient une place toute particulière. La diplomatie et le droit appartiennent au domaine réservé traditionnel des présidents chinois. En revanche, « l’économie était laissée entre les mains des technocrates et des Premiers ministres », rappelle Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse, contacté par France 24.

La création de l’institut consacré à l’étude des théories économiques de Xi Jinping concentre les pouvoirs, bien au-delà de ses prédécesseurs. En effet, ce dernier s’est dit le garant de l’économie de la Chine, c’est donc pour lui une manière de « reconnaître que dans un pays qui a tellement mis l’accent sur la croissance économique, le leader se doit d’incarner l’économie », a expliqué Jean-François Dufour.

Les « Xiconomics », les principes directeurs à long terme de la Chine.

La gouvernance de la Chine, par Xi Jinping.

D’ailleurs, Xi Jinping est le premier dirigeant à avoir des « nomics« . En Chine, il existe des « Xiconomics », au même titre qu’il y a eu des « Reaganomics » aux États-Unis (pour Ronald Reagan) ou des « Abenomics » au Japon (en référence à la politique économique de l’ex-Premier ministre Shinzō Abe).

Le terme remonte à 2016, lorsque le Quotidien du Peuple, a publié une série d’articles à la gloire de la vision économique de Xi Jinping. Un an plus tard, le gouvernement chinois reconnaît la valeur quasi-constitutionnelle aux « réflexions de Xi Jinping sur l’économie socialiste avec des spécificités chinoises pour une nouvelle ère ».

Le contenu de ces « Xiconomics » est connu depuis de nombreuses années, car ils s’articulent autour de deux grands objectifs selon Jean-François Dufour :

  • la recherche d’une indépendance économique : en développant ses propres filières de production pour réduire l’importation des composants de l’étranger, tout en développant la consommation intérieure
  • le basculement vers une « croissance qualitative » : avec la présence de champions dans des filières plus « high tech » et d’être à la pointe de économie « verte », afin de rompre avec l’image d’atelier de confection du monde de la Chine

Ces priorités « n’ont rien de nouveau puisqu’il s’agit des mêmes axes de développement économique adoptés par la Chine sous Deng Xiaoping [dans les années 1980]. Mais Xi Jinping les a intégrés dans une théorie économique globale », a précisé Jean-François Dufour à France24.

Les « Xiconomics » représentent aussi une méthode. « Pour atteindre ces objectifs, Xi Jinping veut renforcer le poids du Parti communiste auprès des acteurs économiques », a expliqué Mary-Françoise Renard.

Xi Jinping a permit la reprise en main de l’économie par l’appareil d’État : « on l’a vu avec le contrôle que le parti veut exercer sur les données personnelles à travers le bras de fer mené avec Alibaba, ou encore son désir de confier la création d’un e-yuan à la Banque centrale afin qu’il n’y ait pas de place en Chine pour une nouvelle monnaie numérique privée », a expliqué Mary-Françoise Renard.

Pour la spécialiste de l’économie chinoise, cette volonté de Xi Jinping de remettre le PCC au cœur de l’économie vient de leçons tirées de la chute de l’Union soviétique. « Il estime que le régime soviétique s’est effondré parce que le parti n’était plus assez présent dans l’économie », a affirmé cette dernière.

D’ailleurs, la pensée de Xi Jinping a été incluse dans la Constitution lors du 19ème congrès national du Parti communiste chinois, en octobre 2017. Jusqu’à présent, le seul dirigeant à figurer dans la Constitution était Mao Tsé-toung.

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