mardi, mars 5

100 ans du PCC : «La toute-puissance du Parti», selon Marc Julienne

«De manière générale, discipline et idéologie peuvent être conçues comme les deux faces d’une même médaille. Seule une discipline stricte permet la bonne application de l’idéologie, tandis que l’idéologie justifie la discipline exigée par le pouvoir», a expliqué Marc Julienne, dans son  article «Centenaire du PCC : où va la Chine de Xi Jinping?» (Diplomatie Magazine, juin 2021)

Le président Xi Jinping

Le Chercheur et responsable des activités Chine au Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI) a expliqué qu’à son arrivée à la tête du Parti, Xi Jinping a utilisé la Commission centrale d’inspection de la discipline (CCID) «pour neutraliser ses opposants, par le biais d’une vaste campagne de lutte contre la corruption».

Cette campagne saluée par la population visait «les mouches et les tigres», c’est-à-dire «les cadres de tous les échelons du Parti et de l’État (y compris des entreprises d’État)». Pour de nombreux chercheurs, dont Marc Julienne, cette campagne a permit à Xi JInping de resserrer la discipline au sein du PCC, mais surtout de «consolider son autorité».

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«L’idéologie a également fait son retour sur le devant de la scène politique, pour réaffirmer la toute-puissance du Parti», avec la phrase «adhérer strictement à la direction du Parti» diffusée dans toutes les communications du PCC. De plus, Xi Jinping a repris le slogan maoïste «Le Parti, le gouvernement, l’armée, la société et l’université, l’Est, l’Ouest, le Sud, le Nord et le Centre : le Parti dirige tout».

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Dans le cadre d’une communication contrôlée, et assurant la propagation «de l’idéologie et de la toute-puissance du Parti», Xi Jinping a réaffirmé que les médias officiels se devaient de «maintenir l’unité du Parti, l’aimer, le protéger et le servir», lors d’une visite en 2016 au Quotidien du peuple.

Xi Jinping incarne le PCC et possède couverture médiatique sans précédent, à l’exception de Mao Zedong. Sa personne et ses discours apparaissant quotidiennement à la Une des principaux médias de Chine, que ce soit en langue chinoise qu’en français.

D‘ailleurs, «le renforcement du PCC est attesté par le transfert de nombreuses prérogatives de l’État vers le Parti (en matière culturelle, religieuse et ethnique), tandis que Xi Jinping s’impose comme un leader central dans l’histoire de la République populaire de Chine (RPC)».

Lors de sa session plénière annuelle en mars 2018, l’Assemblée populaire nationale a amendé la Constitution de la République Populaire de Chine, dans laquelle la limite de deux mandats du Président a ainsi été retirée, ouvrant la voie à un mandat illimité pour Xi, et «la pensée de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère» y a été inscrite.

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Selon Marc Julienne, «on assiste d’ailleurs à une révision du regard que le PCC porte sur sa propre histoire, promouvant une vision plus positive de l’héritage de Mao et le nouveau rôle central de Xi Jinping ».

En 2021, année de son centenaire, le PCC a publié une nouvelle édition de son manuel officiel intitulé «Une brève histoire du PCC», dans lequel un quart de l’ouvrage de 531 pages est consacré à l’ère Xi Jinping, tandis que la Révolution culturelle, qui a duré entre 1966 et 1976, «est traitée en une seule page, contre un chapitre entier dans les éditions précédentes».

«La nouvelle édition interprète ce mouvement politique lancé par Mao comme une tentative de lutter contre la corruption et les privilèges, rappelant à s’y méprendre la politique de Xi Jinping. Les dérives funestes de la Révolution culturelle ne seraient pas, selon l’ouvrage, imputables à Mao, mais à la mauvaise mise en œuvre de ses idées», a expliqué Marc Julienne.

Deng Xiaoping

Sur le plan historique, Marc Julienne «note aussi la tenue d’un symposium en février 2021, consacré à la commémoration du centenaire de la naissance de Hua Guofeng, le dauphin de Mao qui lui a succédé à sa mort en 1976. Deng Xiaoping lui avait ravi la tête du Parti à peine deux ans plus tard pour lancer sa politique de réforme et d’ouverture et Hua avait été évincé de la scène politique dès le début des années 1980».

Pour le chercheur de l’IFRI, «la présence lors de ce symposium de deux membres du Comité permanent et trois membres du Bureau politique du Parti, semble indiquer le retour en grâce de l’héritier de Mao» Zedong.

Citant Radio Free Asia, ce dernier a expliqué qu’il a été récemment rapporté que «les commémorations publiques étaient autorisées sur la tombe de Jiang Qing (la femme de Mao et membre de la «bande des quatre» qui a été condamnée en 1980 pour sa responsabilité dans la Révolution culturelle), alors que la tombe de Zhao Ziyang (réformateur qui s’était opposé à l’intervention de l’armée sur la place Tian’anmen en 1989), serait désormais interdite au public».

«Ce nouveau regard sur le passé laisse donc présager le retour d’une ligne idéologique dure. On peut faire le même constat quant aux pressions exercées sur les universitaires et intellectuels (historiens compris) qui doivent éviter toute position déviant de la ligne officielle toujours plus étroite, au risque d’être censurés ou sanctionnés», a commenté Marc Julienne.

Pour lui, «tous ces éléments démontrent la rupture politique que représente Xi Jinping dans l’histoire de la RPC des quarante dernières années. Pour empêcher que les dérives liées au pouvoir d’un seul homme ne se reproduisent à l’avenir, Deng Xiaoping était parvenu à instaurer la « direction collégiale » du Parti ainsi que la limite de mandats et d’âge (fixée à 68 ans) pour l’exercice de responsabilités politiques. Xi Jinping a d’ores et déjà rompu avec chacun de ces principes».

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