vendredi, avril 12

Au Tibet, la police chinoise intensifie la surveillance de la population

D’après un rapport de l’ONG américaine Human Rights Watch, le gouvernement continue de prélever l’ADN des Tibétains de manière systématique depuis 2019.

Depuis 5 ans, le gouvernement chinois prélève l’ADN des Tibétains, y compris celui d’enfants de cinq ans, a dénoncé l’ONG américaine Human Rights Watch dans un rapport. L’organisation non gouvernementale américaine atteste qu’à Lhassa, les autorités se sont installées dans des crèches pour mener leurs opérations.

Les sept provinces de la région autonome du Tibet, où vivent 3,5 millions de personnes, sont concernées par ces prélèvements. Human Rights Watch s’est basé sur les informations officielles parues dans chaque préfecture et municipalité du Tibet pour démontrer l’existence de ce fichage génétique.

«Il n’existe aucune preuve (…) que les gens peuvent refuser de participer ou que la police dispose de preuves crédibles d’un comportement criminel qui pourrait justifier une telle collecte» ont indiqué les rapporteurs. Le gouvernement lutte ainsi contre le terrorisme, et veut absolument stabiliser le territoire, raison pour eux de l’utilisation de ce type d’opération de contrôle et de surveillance.

«La police utilise toujours des termes extrêmement vagues pour expliquer ces collectes. Vu son pouvoir, elle n’a pas réellement à se justifier auprès de la population» a souligné Maya Wang, responsable des enquêtes sur la Chine chez Human Rights Watch.

Le gouvernement chinois assume le caractère systématique de ces prélèvements. En 2022, le journal britannique révélé que la police du comté de Chonggye, dans la région autonome du Tibet, précisaient au sujet de ces prélèvements : «Aucun village ne doit être omis d’un canton, aucun foyer ne doit être omis d’un village, et aucune personne ne doit être omise d’un foyer».

«Les possibilités futures sont multiples. Le régime pourrait notamment coupler ces données à celle de la reconnaissance faciale, par exemple. Échapper à la surveillance devient de plus en plus compliqué» a assuré Maya Wang.

«La collecte d’ADN n’est qu’un élément d’un régime de surveillance biométrique à multiple facette, qui comprend également des photos haute définition, (…) des empreintes digitales et des scans de l’iris, qui sont ensuite reliés à des dossiers personnels dans les bases de données de la police» a précisé le rapport 2020 de l’Institut australien de politique stratégique.

«La police n’a pas le droit de faire ces prélèvements sanguins, au sens strict du droit chinois. Mais ils peuvent largement s’affranchir de cette question. L’enjeu principal est de maintenir le parti au pouvoir» a poursuivit Maya Wang.

Cette collecte d’ADN représente la politique de contrôle de la Chine au Tibet pour les organisations de défense des droits des tibétains et des ouïghours. 

«Contrairement aux Chinois des autres provinces, ils n’ont plus aucun espace de liberté. À titre d’exemple, un Chinois qui passe un coup de fil à l’étranger n’éveillera pas de soupçons. Ce n’est pas le cas des Tibétains. La police estime que ces échanges peuvent indiquer un soutien ou une loyauté envers l’activisme tibétain en exil. Nous avons documenté un cas où un moine est torturé et emprisonné pour avoir simplement envoyé des dons au Népal afin d’aider les Tibétains en exil victimes du tremblement de terre de 2015» soutient Maya Wang.

En janvier 2022, la Chine a aussi lancé le programme «un foyer, un dossier» au Tibet, selon le rapport d’Human Rights Watch, citant les médias officiels du comté de Gyatsa et de la ville de Bayi comme source.

Un policier désigné est chargé de passer dans les foyers pour rassembler des informations sur chaque habitant. Selon le Bureau de la sécurité publique chinois, ces opérations visent à établir «des relations directes entre la police et la population».

Un parallèle entre le Tibet et le Xinjiang a été fait par les observateurs, dont l’Institut australien de politique stratégique, qui atteste que les données ADN de la quasi-totalité des 23 millions de Ouïghours ont été prélevées dans ce territoire à l’ouest de la Chine dès 2016.

«Les pratiques de répression des deux provinces se nourrissent l’une et l’autre» a constaté Maya Wang. Chen Quanguo, l’homme fort de Pékin au Xinjiang de 2016 à 2021 avait d’ailleurs fait ses premières armes au Tibet de 2011 à 2016, en occupant le poste de gouverneur et de secrétaire du PCC. Une stratégie avérée par le président Xi Jinping, qui a indiqué en 2014 qu’en termes de sécurité nationale, «les approches au Tibet et au Xinjiang sont les mêmes, et les objectifs sont également les mêmes.»

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