mardi, avril 23

Chine-Afrique sub-saharienne : une dépendance commerciale déséquilibrée

Une étude du cabinet  de l’assurance-crédit Coface assure qu’il y a « une dépendance commerciale risquée pour les secteurs et pays exportateurs de matières premières » en Afrique. Dans un communiqué de presse, Coface a indiqué que 20 ans après le lancement du premier Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC), « la nature des relations sino-africaines reste déséquilibrée ».

Selon l’étude intitulée, « Chine-Afrique : le mariage de raison va-t-il durer ? », le commerce bilatéral a bondi au cours des dix dernières années, pour atteindre en 2016, 123 milliards de dollars (109,47 milliards d’euros), dynamisé par les exportations jusqu’en 2014. Elles sont essentiellement concentrées sur les ressources naturelles : 90% des exportations africaines vont vers la Chine.

L’Afrique sub-saharienne possède un déficit commercial avec la Chine

Or celles-ci ont chuté de -51% depuis 2014, conduisant la région à afficher désormais un déficit commercial avec la Chine. Les importations, elles, sont davantage diversifiées et comprennent des produits manufacturés, des équipements de transport et de machinerie, soit 51% du total. Ces produits passent devant les minéraux et métaux précieux.

Le déséquilibre commercial « renforce les risques de maladie hollandaise qui, en économie, établit un lien entre le repli du secteur manufacturier local et l’exploitation des matières premières ».

Le ralentissement de l’activité économique chinoise et la réorientation du modèle de croissance vers la consommation intérieure se traduisent par « un affaiblissement de la demande en matières premières africaines », ce qui aura des « conséquences inévitables pour les exportateurs » africains.

Selon les calculs des économistes de Coface, en 2016, l’Afrique sub-saharienne affiche un coefficient de dépendance* aux exportations de 0,24. Un chiffre plus élevé que celui des autres pays émergents : 0,16 pour l’Asie du Sud-est et 0,19 pour le trio Russie, Brésil, Inde. Le différentiel est encore plus important avec l’Union européenne (0,07) et les Etats-Unis (0,12).

D’après Coface, « les pays qui ont le plus bénéficié de l’expansion de la Chine et ceux qui ont une économie peu diversifiée devraient ressentir les effets de la baisse de la demande plus intensément ». D’autant que la dépendance commerciale la plus forte se concentre autour des exportations de pétrole brut, comme l’Angola, le Soudan du sud, …

Ainsi, selon l’indice de Coface, le Soudan du Sud figure est au top des pays exportateur de pétrole, suivi par l’Angola et le Congo. La Gambie, producteur du bois, devrait également être touchée par la baisse des exportations chinoises. A ces pays s’ajoutent l’Erythrée, la Guinée et la Mauritanie sont également parmi les pays les plus dépendants, à cause de leurs exportations des minerais métalliques.

Les pays africains doivent se diversifier

En dépit d’un tableau assez morose, Coface a assuré que « la relation sino-africaine pourrait se transformer en une coopération gagnant-gagnant ». En effet, le panier d’exportations de l’Afrique se diversifie petit à petit, intégrant les matières premières transformées à plus forte valeur ajoutée, le bois brut et, dans une moindre proportion, certains produits agricoles (tabac, agrumes, graines et fruits oléagineux), conformément aux tendances démographiques de la classe moyenne émergente chinoise.

Madagascar, le Congo, l’île Maurice ont entamé une diversification de leur marché pour attirer les investisseurs chinois, tant dans les domaines technologiques, scientifiques, mais aussi artisanal, sanitaire et culture.

Pour Coface, « même si un tel changement entretient la vulnérabilité des pays riches en matières premières aux évolutions des cours internationaux, cela pourrait localement engendrer une hausse des revenus, encourager l’emploi et les transferts de technologie ».

La diversification concerne aussi les flux des Investissements Directs Étrangers et les prêts en provenance de la Chine. Les investissements chinois en Afrique ne sont plus extractifs par nature et s’étendent désormais aux services, aux industries de transformation, aux transports et aux services publics.

« La Ceinture et la Route », un atout

L’initiative « La Ceinture et la Route » dynamise la connectivité régionale et réduit les coûts des exportations.

Cependant, les flux des IDE et de financement sont inférieurs aux flux commerciaux, rendant les pays africains fortement dépendants vis-à-vis de la Chine. Les pays africains sont alors très exposés à l’affaiblissement de la demande ou à une nouvelle baisse des prix de matières premières.

De plus, « le risque pour les gouvernements africains serait d’accentuer leur vulnérabilité aux variations de la politique extérieure chinoise et à celles de sa demande car les intérêts chinois pour la région s’appuient, en premier lieu, sur un réseau complexe d’objectifs politiques et économiques ».

Pour Ruben Nizard, économiste en charge de l’Afrique sub-saharienne à Coface et co-auteur de l’étude, « les dernières évolutions semblent s’orienter dans la bonne direction mais des efforts sont encore nécessaires pour passer d’un mariage de convenance déséquilibré à un partenariat basé sur une coopération gagnant-gagnant ».

*sur une échelle allant de 0 à 1

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