mardi, avril 23

Xi Jinping au Tibet pour consolider les frontières de la Chine

Avec notre stagiaire Manon KBidi – Les 21 et 22 juillet, le président de la République populaire de Chine et secrétaire général du PCC, Xi Jinping s’est rendu dans la région autonome du Tibet, dans le sud-ouest de la Chine.

Xi Jinping

Cette visite est la première depuis 31 ans pour un président chinois en exercice. D’autant plus que cette visite coïncide avec le 70e anniversaire de l’invasion du Tibet par les troupes communistes, un événement célébré comme une «libération pacifique».

En juillet 2011, lorsqu’il était vice-président, Xi Jinping s’était également rendu au Tibet, à l’occasion du 60e anniversaire.
Historiquement, le Tibet est une région politiquement sensible. Depuis la fondation de la République populaire de Chine en 1949, seul le président chinois Jiang Zemin s’était rendu au Tibet en juillet 1990.

En 2008, la région du Tibet a connu de violentes émeutes anti-Han, ethnie majoritaire en Chine. Selon le gouvernement tibétain en exil, au moins 80 Tibétains seraient morts, victimes de la répression chinoise le 14 mars à Lhassa.

Le 19 mars 2008, les autorités chinoises ont fermé ses frontières aux journalistes et aux touristes. Il faudra attendre le 26 juin 2008 pour que le Tibet ré-ouvre ses portes. Cependant, selon l’ONG Reporters sans frontières, les autorisations accordées aux journalistes pour aller dans la région sont rares.

Depuis ces violentes émeutes, la Chine a massivement investi au Tibet dans l’espoir de combattre l’influence du Dalaï Lama, le chef spirituel tibétain qui vit en exil en Inde depuis 1959.

UNE VISITE STRATÉGIQUE AU SEIN DU TERRITOIRE CHINOIS

Place Potala au Tibet

Ainsi, après une décennie de développement économique, Xi Jinping s’est rendu au Tibet pour inspecter et observer les projets urbains entamés dans la région et fêter le 70 ème anniversaire de la «libération pacifique».

Selon des images diffusées par le CCTV, lors de son arrivée à l’aéroport Mainling dans la ville de Nyingchi, Xi Jinping a salué une foule de tibétains vêtus de costumes traditionnels et agitant des drapeaux chinois. Les reportages diffusés sur la chaîne montrent Xi Jinping accueilli chaleureusement par les habitants et les responsables locaux de divers groupes ethniques tibétains.

Selon la chaîne  CGTN, Xi Jinping s’est rendu au pont de la rivière Nyang pour voir l’avancée des travaux de préservation environnementale entamés dans le bassin du fleuve Yarlung Zangbo et de son affluent, la rivière Nyang.

Interrogée par le journal français Le Figaro, Nadège Rolland, chercheuse sur les questions politiques et de sécurité en Asie-Pacifique au National Bureau of Asian Research, a expliqué que «Xi, qui veut faire du Tibet une forteresse impénétrable, est arrivé dans la localité de Nyingchi, et pas à Lhassa. Il a commencé par inspecter Brahmapoutre où la construction d’un barrage est envisagée. Il a ensuite visité une ligne de chemin de fer nouvellement ouverte et stratégiquement importante reliant Sichuan-Tibet.»

En effet, Xi Jinping a aussi visité la rue de Barkhor, la plus importante et plus ancienne rue de pèlerinage du Tibet, ainsi que la place du palais du Potala, l’ancienne résidence d’hiver du Dalai-lama en exil, afin de découvrir les coutumes locales et la religion des tibétains, le bouddhisme.

Il s’est ensuite rendu au Musée de l’Urbanisme de la ville de Nyingchi; dans le district de Bayi et au parc Gongbu pour inspecter l’avancée de la planification du développement urbain, la revitalisation des campagnes rurales et la construction de parcs urbains.

Pour Xi Jinping, cette politique permettra de conserver la ville antique, de protéger le patrimoine culturel tibétain et de communiquer avec le peuple tibétain. Selon Xi Jinping, au cours des 70 dernières années, le Tibet a réalisé des progrès historiques en matière de système social, ainsi que le développement économique et social global, avec une amélioration significative des conditions de vie de la population.

« Il a été prouvé que sans le PCC, il n’y aurait eu ni la Chine nouvelle ni le nouveau Tibet », a indiqué Xi Jinping. « Les directives et les politiques du Comité central du PCC concernant le travail au Tibet sont totalement correctes. »

D’ailleurs, ce dernier a mis l’accent sur les mesures prises pour renforcer le développement des zones frontalières, ainsi que « sur les quatre problèmes majeurs que sont la stabilité, le développement, l’écologie et la consolidation des zones frontalières ».

Xi Jinping a appelé les autorités locale à de nouvelles réalisations dans la protection de l’écologie sur le plateau Qinghai-Tibet et à faire progresser son développement durable.

Or d’après le mouvement pro-tibétain International Campaign for Tibet, les habitants de Lhassa «ont signalé une activité inhabituelle et des contrôles sur leurs déplacements» avant la visite de Xi Jinping. De plus, des routes bloquées ont été bloquées et la surveillance policière s’est renforcée.

LE POUVOIR CENTRAL INVESTIT MASSIVEMENT AU TIBET

D’ailleurs, au second jour de sa visite, Xi Jinping s’est rendu à Lhassa, la capitale tibétaine, où il a visité la gare de Linzhi pour constater les avancés du chemin de fer Sichuan-Tibet et la construction et l’exploitation de la section Lhassa-Nyingchi.

En février 2021, Wang Yi a affirmé l’élimination de «l’extrême pauvreté pour la première fois […] Des endroits habités par des minorités ethniques, comme le Xinjiang et le Tibet, se sont révélés être des exemples éclatants des progrès de la Chine en matière de droits de l’homme».

En effet, le pouvoir central a investi massivement dans les infrastructures (aéroports, routes, voies ferrées) depuis 2008, afin de faciliter la vie quotidienne sur le toit du monde, isolé, en le modernisant.

« Au cours des 70 dernières années, le gouvernement central a investi 1 630 milliards de yuans (228 milliards d’euros) pour stimuler le développement de la région. Plus d’un tiers de l’investissement a été alloué à de grands projets d’infrastructure, notamment l’autoroute Sichuan-Tibet, le chemin de fer Qinghai-Tibet et l’aéroport de Lhassa Gonggar, qui ont effectivement favorisé le développement économique et social de la région », a indiqué Wu Yingjie, secrétaire du PCC au Tibet.

Lors d’une conférence de presse organisée le 22 mai par le Bureau d’information du Conseil des Affaires d’Etat – un jour avant le 70e anniversaire de la libération pacifique du Tibet -, Wu Yingjie a assuré qu‘«en quelques dizaines d’années, la Chine a créé des miracles qui produiront des avantages durables et ont transformé le Tibet en un tout nouveau monde».

De plus, depuis 2014, la capitale tibétaine Lhassa connaît un boom de construction, saturant le marché de l’immobilier. D’un côté, des logements réservés aux fonctionnaires, ayant un niveau de vie élevè et de l’autre, des opérations immobilières, telles que «Xiangxiongmeiduo», qui est un projet de logements à loyer modéré, situé dans la commune de Todlung Dechen à Lhassa.

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A cela s’ajoute le projet baptisé «la famille Dekyi» qui vise à transformer les logements à loyer modéré en logements de particuliers, afin de développer l’économie touristique de la région.

CONFORTER LA PRÉSENCE DE LA CHINE A LA FRONTIÈRE

Au-delà de la question économique, touristique et problématique autour du Tibet, la région a une position géostratégique qui explique l’attitude conservatrice et nationaliste des responsables chinois.

En effet, le Tibet, situé à la frontière entre la Chine et l’Inde, est considéré comme ayant une importance stratégique cruciale pour la Chine. En 2020, la Chine et l’Inde ont connu le plus grave affrontement depuis des décennies sur leur frontière contestée dans l’Himalaya, avec des morts des deux côtés.

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Pourtant, la visite de Xi Jinping «est un signal adressé directement à Dehli», a ajouté la chercheuse Nadège Rolland. La ville de Nyingchi est proche de la frontière avec l’Arunachal Pradesh indien. De plus, une partie de cette région indienne est revendiquée par la Chine, et fait partie intégrante du Tibet selon Beijing.

Le gouvernement chinois a rappelé de nombreuses fois l’importance stratégique d’un Tibet partageant 3500 km de frontière avec l’Inde. Xi Jinping souhaite consolider les défenses de cette région extrêmement riche.

«Ce n’est pas par hasard si Xi était entouré de Zhang Youxia, le vice-président de la commission militaire et de Liu He, responsable du développement économique de la Chine», a expliqué Nadège Rolland.

La Chine souhaite renforcer sa présence au Tibet pour des raisons géopolitiques mais aussi économiques. «Le dispositif de transport pourra servir pour au déploiement de matériel stratégique militaire tout comme à l’exploitation des mines de lithium, de cuivre et d’argent», a analysé la tibétologue Katia Buffetrille auprès du quotidien Le Figaro.

Dans un contexte déjà tendu, les Etats-Unis ont publié en décembre 2020 la «Loi de politique et de soutien au Tibet» (TPSA). Celle-ci atteste que le Congrès américain peut demander à la Chine d’accorder aux États-Unis un consulat au Tibet. Cette loi soutient le droit absolu des Tibétains de choisir un successeur du Dalaï Lama, et propose également un dialogue entre la Chine et le dirigeant tibétain.

En réponse, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Wang Wenbin, avait rappelé lors d’une conférence de presse  que «les affaires du Tibet, de Taïwan et de Hong Kong concernent la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine. Elles font purement partie des affaires intérieures de la Chine qui n’admettent aucune ingérence extérieure».

Pour ce dernier, la région autonome du Tibet fait partie intégrante du territoire chinois. Raison pour laquelle, tout échange diplomatique entre les autorités tibétaine en exil sont caduques et fortement critiqué par la Chine.

Ainsi, en octobre 2020, Xi Jinping avait déclaré que «des efforts doivent être faits pour construire un nouveau Tibet, socialiste et moderne qui est uni, prospère, culturellement avancé, harmonieux et beau».

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